Lydie
Deux femmes rencontrées en Turquie portent ce prénom rare.
Lydie.
Or en Turquie, Lydie est tout d’abord le nom d’une sublime région d’Asie mineure dont la lumière et les ruines monumentales témoignent de la richesse passée. Crésus fut un roi fameux de la Lydie avant quelle ne soit soumise aux Perses, puis à Alexandre le Grand . On y parle facilement le grec jusqu’au début du XXe siècle sur cette côte égéenne, et notamment à Smyrne (Izmir) .
La capitale Sardes, sur le fleuve Pactole, et ses cités dépendantes ont accueilli de façon très ancienne des communautés juives (dès le VIe siècle avant JC selon certains historiens) et donc, sont celles qui accueillent et entendent les récits des premiers apôtres missionnaires.
La première Lydie que je rencontre en Turquie a la peau sombre de l’Afrique. Elle vient du Congo . Au grès des besoins, des papiers, et des opportunités de travail, elle se retrouve un jour à Ankara. Une ville qui ne connaît guère la mixité africaine. Lydie est une femme resplendissante, et elle l’est encore plus quand elle porte son boubou coloré, à la messe d’Ankara. Elle a cuisiné des plats succulents de son pays natal avec générosité, que nous partageons à la fin de la messe . Petite communauté, petit troupeau, l’Eglise d’Ankara, que Saint Paul a évangélisé certainement, puisqu’il s’est adressé dans ses lettres directement aux chrétiens de la Galatie. Que reste t-il de nos jours? Deux petites communautés chrétiennes dans des chapelles d’ambassades. A quoi s’ajoute une assemblée protestante dans une salle d’hôtel de luxe. C’est bien maigre pour une capitale d’un état de plus de 80 millions d’habitants qui compte elle-même plus de 6 millions d’habitants.
C’est la réalité de l’Eglise chrétienne depuis un siècle.
En Turquie.
Dans cette assemblée, néanmoins il y a un bel amalgame de la riche chrétienté orientale: quelques Arméniens de souche (survivants du génocide demeurés sur leur patrie ( Turquie de l’Est actuel) qui devraient prier en langue arménienne avec une liturgie arménienne , quelques Syriaques venus à la capitale depuis le Sud Est turc qui ont l’habitude de prier en araméen, dans un rite propre, quelques gréco-orthodoxes qui devraient prier en grec selon le rite orthodoxe , parfois des Chaldéens venus du Sud Est turc ou des Assyro Chaldéens issus de l’immigration voisine irakienne qui ont l’habitude de prier en syriaque et en araméen, et quelques chrétiens de l’église latine qui ont l’habitude de prier en polonais, en italien, en anglais, en wolof ou en français. C’est dans cette mosaïque culturelle orientale que l’assemblée de chrétiens d’Orient s’assemble autour d’une simple liturgie latine de l’Eglise catholique romaine en langue turque.
Ainsi Lydie la belle africaine prie avec moi la française en langue turc, laissant au pays les chants colorés en lingala ou en swahili ou en français .
Le mari de Lydie a été baptisé ici, à Ankara. Leur mariage célébré ici à Ankara. Qui a t-elle laissé au pays pour devoir affronter le climat trop froid de l’Anatolie, la difficulté de trouver un travail et les difficultés administratives incessantes liées aux renouvellements des titres de séjour.. Des frères et soeurs? Des parents? Des grands parents? Des enfants? C’est souvent le cas. Et sur place, de qui a t -elle la charge , qui élève-t-elle comme ses propres enfants , confiés par d’autres adultes ? un neveu, des petites voisines? J’aime son sourire et sa confiance en Dieu qui l’accompagne de façon solide et concrète. Lydie est une femme énergique, et joyeuse. Elle est une baptisée heureuse de l’être. Lydie est courageuse. Lydie est lumineuse par son sourire.
Et elle porte le même prénom qu’une autre Lydie tout aussi dynamique qui a marqué la communauté chrétienne de ces terres.
L’autre Lydie, est née plus à l’Ouest d’Ankara , dans la cité de Thyatire il ya deux millénaires. Thyatire est une ville de la Lydie.
Thyatire est située à un emplacement stratégique de croisement de régions, , mais comme elle n’est pas protégée par la nature, Thyatire est donc comme un avant-poste de sentinelle: sacrifiée pour permettre aux cités amies d’organiser leur défense. Donc les garnisons résident souvent dans la ville, au fil des différentes dominations successives. Dans la période hellénistique , la communauté juive s’installe, renforçant la mixité des habitants. Lydie est qualifiée dans les Actes des Apôtres de ” craignant Dieu”” donc une femme païenne séduite par la religion juive. L’a t elle fréquenté ici? Une communauté chrétienne est crée dans les premiers temps à Thyatire , grâce à l’action de saint Paul. Et saint Jean la compte parmi les 7 premières communautés dans le livre de l’Apocalypse à la fin du Ier siècle.
Mais Lydie ne le rencontre pas ici dans sa ville natale. Elle le rencontre plus à l’ouest, dans la cité de Philippes, en Macédoine (Grèce actuelle). , vers 48-49. Dans cette ville elle travaille dans le commerce de pourpre. Tirée d’un mollusque marin, la pourpre offre une teinture très précieuse pour la société romaine . A tel point que seul l’empereur a l’honneur de porter la toge de pourpre. Les grands dignitaires ont le droit à des bandes de pourpres sur leur toge selon leur puissance. La pourpre se vend plus cher que l’or dans les marchés de Rome! Est-elle impliquée dans la production, la teinture, ou le commerce, nous savons seulement qu’elle est “ porphuropolis” ( marchande de pourpre).
C’est vers 48 ou 49 que Paul et ses compagnons ont débarqué à Néapolis le port de Philippes situé à une quinzaine de kilomètres . Sans doute la rencontre avec la marchande de pourpre , craignant Dieu , a-t-elle eu lieu dans l’assemblée des juifs qui accueille ces prédicateurs itinérants, et où Paul a l’habitude de démarrer des prêches. Lydie va ouvrir son coeur à la parole des prédicateurs invitant à la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité. Et ce qui est certain est qu’elle se fait baptiser ainsi que toute sa maisonnée.
Lydie insiste beaucoup pour accueillir les missionnaires Paul, Silas, Timothée et un autre au moins, dans sa maison à elle. Elle n’est pas perçue comme appartenant à la judéité, et c’est peut être une des raisons qui justifie l’hésitation de Paul et se proches pour accepter l’invitation. Ce n’est qu’une fois baptisée , qu’ils logeront chez elle, frères et soeur dans le Christ. Nouvelle église de Philippes. Il s’agit même de la toute première église de maisonnée de Paul, antérieure à Corinthe et à Ephèse. Cette petite communauté chrétienne attire des nouveaux baptisés d’origine païenne, même si Lydie était très proche du judaïsme. On imagine la joie de cette nouvelle baptisée avide d’écouter la parole de Dieu. Paul retournera deux fois à Philippes dans une église qui se développe vite.
Lydie est un bon exemple de femme indépendante et entreprenante qui a soutenu Saint Paul dans sa mission évangélisatrice.
